Anticiper la succession : le conjoint, un héritier à part entière

Comment protéger son conjoint, découvrez les différentes options possibles dans le respect de la législation.

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L’évocation d’une succession fait souvent penser, en premier lieu, aux descendants. Pourtant, le droit français prévoit une place particulière pour le conjoint marié.
Plusieurs options permettent ainsi d’optimiser la répartition du patrimoine et de sécuriser ses droits : donation entre époux, clause de préciput, aménagement du régime matrimonial…

Lorsque la succession d’une personne mariée s’ouvre, le conjoint survivant occupe une place spécifique. Le cadre légal défini par le Code civil prévoit ainsi plusieurs cas. Si le défunt n’avait pas d’enfant(s), son conjoint hérite a minima de la moitié des biens si les deux parents du défunt sont encore en vie, des trois-quarts si un seul d’entre eux est vivant et de la totalité si les deux parents sont décédés.

Un choix à faire en cas d’enfants en commun

En présence d’enfants communs, la loi offre un choix au conjoint survivant : il peut hériter soit de la pleine propriété d’un quart des biens du défunt, soit de l’usufruit de la totalité de ses biens. Attention toutefois, s’il existe des enfants nés d’une précédente union, cette alternative n’est pas autorisée et seule la possibilité d’hériter d’un quart des biens en pleine propriété s’applique.

A la place de ces dispositions légales, un testament peut prévoir une autre forme de répartition susceptible d’améliorer le sort du conjoint survivant. Ceci doit cependant être fait en respectant certaines règles, notamment le respect de la réserve héréditaire des enfants. Cette part réservataire est fixée par la loi et varie selon le nombre d’enfants.

La donation entre époux : un avantage matrimonial pour mieux doter le conjoint

Réservé aux couples mariés, la donation entre époux, également appelée donation au dernier vivant, est un mécanisme qui permet d’augmenter les droits du conjoint survivant au-delà des dispositions légales. Formalisée dans deux actes notariés séparés, la donation entre époux est consentie de manière réciproque : chacun consent à l’autre une donation qui prendra effet au premier décès. Précision utile : elle porte sur les biens que détiendra chaque défunt au jour de son décès, il n’est donc pas nécessaire d’en réviser les dispositions dès que la composition du patrimoine est modifiée.

La donation entre époux présente un autre avantage : le conjoint survivant dispose de plusieurs options pour choisir la répartition qui lui convient le mieux.

Clause de préciput : le bouclier méconnu de la succession

Cet avantage matrimonial offre au conjoint survivant la possibilité de prélever certains biens issus de la communauté avant tout partage successoral. Autrement dit, ces biens sortent du patrimoine du défunt et ne font pas partie de la succession. L’exonération de droits de succession entre époux, applicable en France depuis 2007, confère à cette disposition un réel intérêt sur le plan fiscal.

À la différence de la donation entre époux, cette clause ne concerne pas la part successorale du conjoint, qui reste donc intacte à la succession. Les biens concernés sont détaillés dans le contrat rédigé devant notaire : il peut s’agir de la résidence principale, de liquidités ou d’un contrat d’assurance vie. Pour que ce levier fonctionne, les époux doivent idéalement relever d’un régime communautaire comme la communauté légale réduite aux acquêts. Lorsque ce n’est pas le cas (couple marié en séparation de biens ou en participation aux acquêts), le passage par une société d’acquêt permettant la création d’une « bulle de communauté » au sein d’un régime séparatiste constitue un préalable.

Pour que la clause de préciput puisse s’appliquer à un contrat d’assurance vie, il faut que celui-ci prenne la forme d’une cosouscription avec dénouement au second décès. Cela permet au conjoint survivant de récupérer intégralement le contrat sans que ce dernier ne soit dénoué et sans que la part du conjoint n’ait à entrer dans la succession.

Associer donation et assurance vie pour renforcer la sécurité financière du conjoint

En complément de ces différents avantages matrimoniaux, la donation sous sa forme classique reste un mécanisme particulièrement pertinent pour protéger financièrement son conjoint, d’autant plus que les abattements fiscaux sont incitatifs. En effet, entre conjoints ou partenaires de PACS, le montant exonéré de droits de donation atteint 80 724 € tous les 15 ans : dans la limite de ce seuil, les donations ne donnent lieu à aucun frottement fiscal.

L’assurance vie peut enfin venir renforcer la sécurité financière du conjoint ou du partenaire de PACS. En premier lieu, les capitaux transmis au conjoint ou partenaire de PACS au travers de la clause bénéficiaire bénéficient d’une exonération de fiscalité successorale, à l’image des règles fiscales applicables au reste du patrimoine. En second lieu, la clause bénéficiaire peut faire l’objet d’un démembrement et permettre aux familles d’organiser une transmission des capitaux en deux temps : au décès du souscripteurs, le contrat est dénoué et les capitaux sont débord transmis au conjoint survivant (désigné quasi-usufruitier) qui pourra en disposer librement. Puis, au décès du conjoint survivant, les capitaux restants sont transmis aux enfants (désignés nus-propriétaires). Les sommes non restituées (car consommées par le conjoint survivant) constituent une créance de restitution qui vient en diminution de l’assiette taxable aux droits de succession sur l’actif successoral du conjoint survivant.

À retenir :

  • En l’absence de testament, le conjoint bénéficie de droits légaux spécifiques (un quart en pleine propriété ou la totalité en usufruit s’il n’y a que des enfants communs).
  • En présence d’un testament, la répartition peut être aménagée pour mieux protéger l’époux dans la limite de la réserve héréditaire
  • La donation entre époux augmente les droits du conjoint survivant en offrant plusieurs options :
    • La clause de préciput autorise le conjoint survivant à prélever certains biens de la communauté avant le partage. En cas de séparation de biens, une société d’acquêts peut être créée pour désigner certains biens comme communs.
    • En plus des avantages matrimoniaux, un abattement fiscal de 80 724 € s’applique aux donations entre conjoints ou partenaires de PACS.
  • Autre outil, l’assurance vie présente de multiples avantages :
    • Absence de fiscalité décès lorsque le conjoint ou le partenaire de PACS est désigné comme bénéficiaire
    • Possibilité de démembrer la clause bénéficiaire pour une transmission organisée en deux temps entre le conjoint quasi-usufruitier puis le(s) enfant(s) nu(s) propriétaire(s)