Définie comme une hausse généralisée et durable des prix des biens et services, l’inflation se traduit, dans la vie réelle, par une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie au fil du temps. Si elle préoccupe les milieux économiques, l’inflation modérée peut être un élément positif pour l’économie. Quels sont les remparts pour la garder sous contrôle et protéger son épargne ?
Bonne ou mauvaise inflation ?
Théorisée dès le XVIe siècle, l’inflation a toujours préoccupé les milieux économiques. Trop élevée, elle fait perdre aux ménages une partie de leur pouvoir d’achat si les salaires ne sont pas revalorisés dans la même mesure, ce qui contraint leurs dépenses. Elle dégrade également la compétitivité des produits nationaux par rapport à ceux fabriqués dans un pays qui ne connaît pas cette même inflation. Et conduit les entreprises à adopter une stratégie de prudence, ce qui bride leurs investissements.
Toutefois, cela ne signifie pas que toute inflation soit par définition préjudiciable. Une inflation sous contrôle donne de la visibilité aux acteurs économiques. En permettant de se projeter sur des prix un peu plus élevés demain, elle crée des conditions favorables à l’investissement.
Dans les principaux pays développés, les banques centrales se sont fixées comme cible une inflation autour de 2 %. Elles sont garantes de la stabilité des prix, leur rôle est en particulier de protéger l’économie contre les excès les plus dangereux.
L’hyperinflation : caractérisée par une spirale incontrôlable de hausse des prix, elle est liée à un déséquilibre macroéconomique sévère du pays où elle survient, tel qu’un très fort déficit commercial ou public nécessitant de créer artificiellement de la monnaie via « la planche à billets ». Les exemples historiques sont nombreux, allant de l’Allemagne en 1923 au Venezuela l’an dernier.
La déflation : lorsque les prix baissent de manière généralisée et durable. Cette situation crée des comportements attentistes qui amputent la croissance et auto-entretiennent la déflation. Les États-Unis l’ont connue dans les années 1930 et le Japon dans les années 1990. Elle ne doit pas être confondue avec la désinflation, qui correspond simplement à un ralentissement de l’inflation qui reste toutefois positive.
Focus – La « stagflation », une situation atypique
Contraction des termes « stagnation » et « inflation », la « stagflation » se caractérise par la conjonction d’un ralentissement de la croissance et d’une inflation élevée. Elle est contre-intuitive car, traditionnellement, ces deux dimensions suivent le principe des vases communicants : quand la croissance devient forte, l’inflation est relancée ce qui tend à freiner la croissance ; inversement, quand l’inflation diminue, la croissance peut repartir.Mais dans les années 70, à la suite des chocs pétroliers, un autre régime s’installe, dans lequel atonie de la croissance, hausse du chômage et inflation forte se cumulent. Cette situation s’avère complexe pour les banques centrales qui se trouvent face à des injonctions contradictoires : mener une politique expansionniste (baisse des taux) pour relancer la croissance au prix d’une inflation plus élevée encore ou choisir une politique restrictive (hausse des taux) pour éviter la spirale inflationniste mais en freinant encore la croissance.
Un concept, plusieurs calculs
L’inflation est mesurée en suivant, mois après mois, l’évolution de la valeur d’un panier de biens représentatifs de la consommation des ménages. Cet indice des prix à la consommation (IPC) est en France mesuré par l’Insee : près de 400 000 prix sont relevés par des enquêteurs chaque mois.La composition de l’IPC connaît des évolutions permanentes depuis sa création en 1914. Ainsi, après avoir suivi le prix des disques vinyles, des cassettes-audio puis des CD, l’Insee tient aujourd’hui compte du tarif des abonnements aux sites de streaming.Le poids de l’immobilier dans le calcul de l’inflation fait régulièrement débat. En Europe, seuls les loyers sont pris en compte, les achats immobiliers étant considérés comme de l’investissement et non de la consommation. La hausse des prix du mètre carré ne se reflète donc pas directement dans l’IPC.
L’IPC tient compte de coûts très volatils, comme ceux de l’énergie et des produits alimentaires. Aussi, pour avoir une vision à plus long terme de l’évolution des prix, on observe l’inflation sous-jacente.En France, la variation de l’IPC est attendue pour mars à 4,2 % alors que l’inflation sous-jacente se limiterait à 2,7 %1.
Vers un nouveau régime d’inflation ?
À plus de 4 %, l’inflation française inquiète. En moyenne annuelle, depuis l’introduction de l’euro, l’inflation n’a franchi la cible des 2 % que cinq fois (2003, 2004, 2008, 2011 et 2012). Sachant que sur la dernière décennie, l’enjeu était plutôt de la relancer, afin d’éviter le spectre de la déflation.
La crise sanitaire a d’abord changé la donne. Les perturbations sur les chaînes de production et de logistique renchérissent les biens dans un grand nombre de secteurs, à l’image de l’automobile avec la pénurie de semi-conducteurs. La reprise vigoureuse de la consommation à la suite des périodes de confinement a également poussé les prix vers le haut. Les salaires ont eux aussi tendance à augmenter pour pallier les difficultés de recrutement dans certains secteurs comme la restauration.
Ensuite, la guerre en Ukraine a d’importantes répercussions sur le marché des matières premières. Les cours du pétrole et du gaz, dont la Russie est un exportateur majeur, se sont envolés bien au-delà des 100 dollars le baril. Un effet inflationniste accentué par la faiblesse du cours de change de l’euro : acheter du pétrole en dollars coûte plus cher à un acteur français quand le pouvoir d’achat de l’euro diminue, comme c’est le cas actuellement.
Focus – Les prix alimentaires sous tension
Outre le pétrole et le gaz, ce sont aussi les marchés de denrées agricoles qui sont déstabilisés par le conflit ukrainien. Le blé, le maïs, le tournesol ont vu leurs cours s’envoler alors qu’une part importante de la production de la Russie et de l’Ukraine, véritables greniers à grains du monde, est bloquée au niveau de la mer Noire. Couplée à la hausse du coût de l’engrais, dont la Russie est un producteur majeur, cette flambée des céréales pèse sur les équilibres, déjà précaires, des exploitations agricoles et notamment des éleveurs. Les prix alimentaires vont vraisemblablement connaître des hausses significatives dans les mois qui viennent. Les prix des produits frais sont déjà attendus en progression de 5,4 % en mars.
Dans le contexte géopolitique actuel, la croissance française devrait être moins forte que prévu. S’il est durable, ce ralentissement en période de forte inflation conduirait l’économie à la stagflation. Une situation qu’elle n’a pas connue depuis les années 1970. C’est le scénario contre lequel les autorités, à la fois monétaire et budgétaire, cherchent à se prémunir.
Une épargne à protéger
La hausse des prix impacte tout un chacun en tant que consommateur et en tant qu’épargnant. En effet, investir dans un placement qui rapporte moins que l’inflation revient à voir sa richesse baisser : 1000 euros sur un compte en banque non rémunéré donnera demain accès à un moindre pouvoir d’achat qu’aujourd’hui, du fait de la hausse des prix et de l’absence de revalorisation de cette épargne. On parle d’« érosion monétaire ».
Cet effet est reflété par le concept de taux d’intérêt réel. Ce dernier est calculé comme le taux nominal que rapporte un placement diminué du taux d’inflation. Ainsi, en février dernier, même après la revalorisation de son taux, le livret A n’a délivré qu’un rendement réel de -2,6 %, à savoir sa rémunération de 1 % moins les 3,6 % d’inflation du mois passé.
Certains placements sont moins exposés à la hausse de l’inflation. De tout temps, l’or a ainsi été utilisé comme un refuge : ressource rare, il conserve quoi qu’il arrive une valeur intrinsèque, qui peut même augmenter sous l’effet de la hausse de la demande dans des périodes de tension comme aujourd’hui. En revanche, il est improductif : aucun rendement ne peut en être attendu, si ce n’est une hypothétique plus-value.
L’immobilier, lui aussi, est généralement perçu comme un rempart contre l’inflation : les loyers étant indexés sur la hausse des prix, les revenus locatifs tendent à augmenter dans le temps. Mais ce gain est en partie érodé par la hausse des taux d’intérêt entraînée par l’inflation, car elle renchérit le financement mis en place pour ce type d’achat.
Sur les marchés liquides, des instruments existent pour se protéger contre l’inflation. C’est le cas des obligations à taux variable ou des obligations indexées sur l’inflation, dont les rendements évoluent en fonction de multiples facteurs, notamment la hausse des prix. Mais ces marchés de dette sont techniques et difficiles d’accès.
Si vous souhaitez protéger votre épargne contre l’inflation actuelle, n’hésitez pas à contacter votre conseiller GRESHAM Banque Privée qui pourra adapter sa réponse à votre situation propre.
1 Insee, « La croissance et l’inflation à l’épreuve des incertitudes géopolitiques – Note de conjoncture – mars 2022 », publié le 16/03/2022.
ER22/FCR0112 – Avril 2022