Quel bilan économique après les Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

Quelques mois après la clôture des Jeux Olympiques de Paris, quel bilan économique peut-on faire ?

Marchés financiers



La page enchantée des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 s’est tournée. Si l’événement a attiré des millions de spectateurs et suscité des moments inoubliables, la question des retombées économiques promises reste en suspens. Quel bilan économique pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

Le pari de Paris s’est-il transformé en succès économique ou la facture a-t-elle dépassé les attentes ? Cette évaluation n’est pas seulement essentielle pour valider les choix financiers faits en amont, mais aussi pour éclairer les futures candidatures à des événements de cette envergure. Entre dépassements budgétaires, succès de la billetterie, héritage en termes d’infrastructures, et conséquences sur le tourisme et l’économie locale, l’analyse à la lumière des Jeux de Londres 2012, souvent cités en exemple, s’avère riche d’enseignements pour mesurer la portée réelle des Jeux de Paris.

Les dépassements budgétaires de Paris 2024

Comme pour la plupart des grands événements sportifs internationaux, les JOP de Paris 2024 n’ont pas échappé à une révision à la hausse de leur budget. Initialement estimé à 6,6 milliards d’euros[1], puis 6,9 milliards d’euros, le coût total des Jeux a progressivement grimpé pour atteindre 8,8 milliards d’euros, selon les chiffres officiels. Ce montant pourrait même s’élever à environ 11 milliards d’euros si l’on intègre les coûts indirects. Ces derniers sont liés notamment à la dépollution de la Seine ou à la mobilisation massive d’agents publics pour sécuriser les événements ou assurer le transport des personnes[2].

Cette augmentation significative s’explique en partie par les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19, la flambée des prix des matières premières, ainsi que l’inflation élevée qui a particulièrement marqué les années 2022 et 2023. Ces éléments ont non seulement alourdi le coût des infrastructures, mais ont également entraîné des dépenses supplémentaires dans l’organisation et la logistique.

Cette sous-estimation budgétaire n’est pas un phénomène isolé. Pour Londres 2012, le budget initial avait initialement été estimé à 2,4 milliards de livres, pour aboutir finalement à un coût de plus de 8,77 milliards de livres, soit plus de 3,5 fois le montant prévu[3]. Les Jeux de Tokyo en 2021 ont connu des dépassements de 2,3 fois supérieurs aux coûts initialement présentés au moment de la candidature[4].

Un levier pour le secteur de la construction et l’emploi en Île-de-France

Le budget des JOP aura néanmoins largement profité au secteur de la construction. Entre 2020 et 2023, la mise en place des infrastructures olympiques a mobilisé 45,4 millions d’heures de travail, générant environ 2 milliards d’euros d’activité. Cette dynamique a non seulement soutenu les entreprises de construction, mais aussi un large éventail de fournisseurs, allant des producteurs industriels aux services spécialisés tels que les cabinets juridiques, comptables et d’architecture. Ces investissements massifs en amont ont été essentiels pour moderniser et étendre les capacités d’accueil, notamment autour des sites sportifs clés. En termes de recrutement, la construction des infrastructures a permis de mobiliser 4 300 emplois équivalents temps plein, en 2023, contribuant ainsi à dynamiser le marché de l’emploi dans ce secteur. En 2024, malgré la fin de la plupart des grands chantiers, la construction d’infrastructures temporaires pour les épreuves sportives aurait encore mobilisé 1 600 emplois supplémentaires.

Par ailleurs, le secteur de l’hébergement-restauration, en prévision de l’afflux touristique, anticipait une hausse des recrutements de 4 % en Île-de-France, avec une augmentation notable de 8,7 % à Paris. Cette hausse contraste avec une baisse de 1,3% des projets de recrutement dans ce secteur sur l’ensemble du territoire, d’après une enquête de France Travail. Ces dynamiques montrent que les JOP jouent un rôle clé dans la stimulation de l’activité économique, et aussi dans la création d’opportunités d’emploi, tant dans la construction que dans les services liés à l’événement.[5]

 556 entreprises sociales et solidaires (ESS) ont été engagées dans les JOP[6] ;
Près de 400 entreprises dans le secteur de la construction
Et près de 200 dans le secteur des services.
Les PME, TPE et entreprises de l’ESS ont signé 536 millions d’euros de marchés[7]  

Succès de la billetterie : un indicateur positif

Le succès des ventes de billets est souvent perçu comme un baromètre de la popularité des Jeux. Sur ce point, Paris 2024 peut se réjouir d’avoir atteint des chiffres impressionnants. Avec plus de 12 millions de billets vendus, le taux de remplissage est d’environ 95 %[8], générant ainsi des recettes estimées à 1,1 milliard d’euros. Ce chiffre dépasse les prévisions initiales et constitue l’une des sources de revenus les plus importantes pour le Comité d’organisation des Jeux Olympiques (COJO). À titre de comparaison, Londres 2012 avait vendu près de 8,2 millions de billets.

Toutefois, il convient de noter que la billetterie ne représente qu’une partie des revenus générés par l’événement. Les droits de diffusion et les partenariats commerciaux, notamment avec le programme mondial de sponsoring du Comité International Olympique (CIO) et des partenaires locaux, ont également contribué de manière significative au financement de l’événement. Bien que plus modeste en comparaison, la vente de produits dérivés a aussi permis d’apporter des recettes complémentaires.

Impact touristique et consommation locale : un booster temporaire ?

L’un des principaux moteurs économiques des Jeux Olympiques réside dans l’afflux de visiteurs et la consommation locale. Avec 3,1 millions d’arrivées touristiques enregistrées pendant la quinzaine olympique[9], Paris a vu une augmentation significative du nombre de touristes durant l’été 2024. Les organisateurs ont su tirer parti de cette occasion pour valoriser le riche patrimoine historique de la capitale, notamment en réutilisant des espaces d’expositions hérités du Second Empire pour certains événements olympiques. Cette approche a offert aux nombreux visiteurs une expérience unique, mêlant le passé historique de Paris à la modernité d’une métropole globale.

Cet afflux a temporairement stimulé l’économie locale, entre autres dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce. L’indice PMI pour les services a connu une hausse notable, grimpant à 55 pour la période du mois d’août, témoignant d’une expansion du secteur. Toutefois, ce rebond s’est avéré éphémère, l’indice passant à 48,3 en septembre[10], indiquant une contraction du secteur. Selon les estimations du Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES), l’Île-de-France à elle seule devrait bénéficier d’un surcroît d’activité de près de 9 milliards d’euros sur une période de 17 ans[11]. Cependant, les retombées positives ne se limitent pas à la région parisienne. D’autres villes françaises ont également connu un essor touristique significatif : Lille a enregistré un taux d’occupation hôtelière de 90 %, tandis que Châteauroux et Saint-Etienne ont vu leur fréquentation augmenter respectivement de 60 % et 78 %[12].

Tout événement de cette envergure implique la prise en compte de l’effet d’éviction. Bien que son impact reste à préciser, on estime qu’environ 22 % des visiteurs habituels ont potentiellement modifié leurs plans, soit en différant, soit en annulant leur séjour parisien. Ces décisions seraient motivées par la crainte d’une surfréquentation des sites touristiques et l’anticipation d’une hausse des tarifs en lien avec les Jeux[13].

Les infrastructures olympiques : un héritage durable pour Paris ?

L’un des arguments majeurs en faveur de l’organisation des Jeux Olympiques est l’impact durable des infrastructures construites ou rénovées pour l’occasion. Dans cette optique, Paris a pris soin de limiter la construction de nouvelles installations, optant pour l’utilisation de 95 % de sites existants – tels que le Parc des Princes, le Stade de France, le Stade Jean Bouin, Accorhôtels Arena ou encore Roland Garros – ou temporaires[14]. Parmi les rares exceptions, le centre aquatique et le village des athlètes se distinguent. Ce dernier, situé en Seine-Saint-Denis – et réparti sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l’Île-Saint-Denis – s’inscrit dans une démarche de réaménagement du territoire, visant à renforcer l’attractivité de cette zone en pleine mutation. Le coût des infrastructures olympiques, pris en charge par la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (Solideo), s’est élevé à environ 3,8 milliards d’euros[15], dont une partie financée par le secteur privé.

Eviter le syndrome des « éléphants blancs » Les organisateurs des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont adopté une approche pragmatique pour éviter le syndrome des « éléphants blancs » : ces coûteuses installations sportives qui tombent en désuétude après l’événement. En limitant drastiquement les nouvelles constructions, l’équipe organisatrice s’est concentrée sur l’utilisation d’infrastructures existantes et la création d’installations à l’utilité pérenne.  

La gestion de ces infrastructures post-événement sera cruciale pour juger de la réussite des Jeux à long terme. À Londres, par exemple, le parc olympique de Stratford a été réaménagé, avec des espaces résidentiels, des bureaux et des infrastructures culturelles. Cette reconversion aurait contribué à l’essor économique de l’est de la capitale britannique. Toutefois, les répercussions économiques restent, encore aujourd’hui, très difficiles à établir : certains rapports affirment que les projets de construction seraient à l’origine d’un apport de 7,3 milliards de livres pour l’économie du pays. Un autre, plus optimiste, parle de 41 milliards de livres, sur le long terme, liés à de « nouveaux contrats commerciaux, ventes et autres investissements étrangers »[16]. En revanche, pour le think tank What Works Centre, la conclusion est sévère : « Il y a peu ou pas d’effet durable sur l’économie locale » et les effets sur les investissements, le commerce ou le tourisme seraient « de courte durée »[17].

Dans cette optique, Paris peut-elle espérer des répercussions positives comparables ? L’héritage olympique se matérialise notamment par la transformation du village des athlètes en un nouveau quartier urbain. Ce projet ambitieux prévoit la création de près de 2 800 logements, accompagnés de bureaux, commerces et équipements publics, s’inscrivant dans un plan plus vaste de développement urbain[18]. Néanmoins, la commercialisation de ces biens se heurte, pour l’instant, à des difficultés. Les acheteurs semblent réticents face à ces offres, dont les tarifs dépassent significativement ceux des logements neufs équivalents dans les zones concernées. Cette situation persiste pour le moment malgré les efforts des promoteurs pour ajuster leurs prix à la baisse[19]. Les prochaines années seront déterminantes pour évaluer si ces infrastructures sauront s’inscrire dans le tissu urbain de manière pérenne et rentable.

Un premier bilan en demi-teinte

Quelques mois après la clôture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le bilan économique se révèle nuancé. Si certains indicateurs, comme le succès de la billetterie et l’afflux touristique, s’avèrent positifs, les dépassements budgétaires et les incertitudes sur la reconversion des infrastructures olympiques viennent tempérer l’optimisme ambiant. D’après une étude d’impact du CDES de mai 2024 : « l’impact économique des JOP serait compris entre 6,7 Md€ et 11,1 Md€, avec une valeur centrale de 9,0 Md€ ».

La question demeure : Paris 2024 rejoindra-t-il le cercle restreint des Jeux Olympiques excédentaires, aux côtés de Los Angeles (1984), Atlanta (1996) et Sydney (2000)[20] ? À ce stade, il serait prématuré de tirer des conclusions définitives.

L’évaluation complète des répercussions économiques à long terme nécessitera du temps et un examen approfondi. Ce n’est qu’après plusieurs années que nous pourrons mesurer avec précision les effets durables sur l’économie locale et nationale. Les prochaines études du CDES attendues pour avril 2025 permettront de poser les bases d’une évaluation plus complète et rigoureuse de l’héritage économique de Paris 2024.  


[1] Francetvinfo.fr

[2] Ifrap.org

[3] London.gov 

[4] Lesechos.fr.

[5] Note de conjoncture, 09/07/2024, Insee

[6] https://www.paris.fr/pages/460-entreprises-sociales-et-solidaires-engagees-dans-les-jeux-de-paris-2024-26622

[7] En 2023, https://www.ess-europe.eu/fr/news/jeux-olympiques-2024-quelle-implication-des-entreprises-de-less

[8] https://www.lefigaro.fr/sports/jeux-olympiques/jo-paris-2024-95-de-taux-de-remplissage-les-premiers-chiffres-qui-temoignent-de-jo-reussis-20240913

[9] Paris.fr

[10] Optionfinance.fr

[11] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/comment-calculer-les-retombees-economiques-des-jeux-olympiques-et-paralympiques-3697791

[12] Comment calculer les retombées économiques des Jeux olympiques et paralympiques ? Podcast France Culture, Entendez-vous l’éco ?

[13] https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/jo-paris-2024-bonne-ou-mauvaise-nouvelle-pour-le-tourisme-a-paris-rediffusion-2112796#:~:text=Selon%20une%20%C3%A9tude%20d’impact,%C3%A0%20cause%20des%20Jeux%20olympiques.

[14] Ecologie.gouv

[15] Capital.fr

[16] Olympics.com

[17] Propos rapportés dans le journal Le Monde, 11 septembre 2017, Lemonde.fr

[18] https://jopparis2024.seinesaintdenis.fr/chantiers/le-village-des-athletes/

[19] https://www.bfmtv.com/immobilier/neuf/les-acheteurs-ne-se-precipitent-pas-pour-acquerir-les-logements-du-village-olympique_AV-202408130020.html

[20] The structural deficit of the Olympics and the World Cup: Comparing costs against revenues over time

Martin Müller, David Gogishvili, and Sven Daniel Wolfe